
La récente lettre ouverte du ministre de la Justice du Québec sur la loi C-5 aborde plusieurs aspects de la justice pénale, dont la crise des opioïdes. Il y indique : « Il est [...] nécessaire d’agir pour contrer la crise des opioïdes et la prolifération des drogues illicites en maintenant des peines dissuasives pour combattre ce fléau. Or, le projet de loi C-5 vient abolir les peines minimales pour des infractions relatives aux drogues. Ce n’est pas acceptable. »
La première ministre de l’Alberta, @ABDanielleSmith, a eu raison de critiquer les changements législatifs du @parti_liberal du Canada qui nuisent à la confiance des citoyens envers la justice.
— Simon Jolin-Barrette (@SJB_CAQ) February 24, 2025
J’ai tenu à lui signifier l’appui du Québec dans sa démarche.
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Lire la lettre du ministre de la Justice
L’AIDQ estime que ce qui n’est pas acceptable, c’est la répression et l’alourdissement des peines, qui ne constituent pas une réponse efficace à cette crise de santé publique. Par ailleurs, le ministre va à l’encontre de ses propres orientations transmises au Directeur des poursuites criminelles et pénales le 24 avril 2023*.
* Les orientations du ministère de la Justice du Québec se retrouvent à : GAZETTE OFFICIELLE DU QUÉBEC (2023). Règlements et autres actes. Avis. Orientations et mesures du ministre de la Justice. 24 avril 2023, 155e année, no 16A
Le ministère de la Santé et des Services sociaux rappelle dans sa Stratégie nationale de prévention des surdoses de substances psychoactives 2022-2025 que : « Actuellement, la possession et l’usage de substances psychoactives illégales ainsi que les comportements associés à la dépendance sont généralement abordés comme des préoccupations de droit criminel, plutôt que de santé publique. »
L’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) souligne, dans un de ses rapports, les conséquences négatives du cadre actuel :
- La criminalisation des personnes utilisatrices de drogues pour possession simple est un enjeu majeur du régime d’encadrement des substances psychoactives (SPA) dites « illicites ».
- La criminalisation interfère avec les mesures de santé publique destinées à prévenir les surdoses, réduire les décès et limiter la transmission du VIH et d’autres infections transmissibles sexuellement et par le sang.
- La stigmatisation touche particulièrement les personnes marginalisées, ce qui renforce leur exclusion et complique leur accès aux services de santé.
Au Québec, au Canada et ailleurs en Amérique du Nord, plusieurs instances et acteurs de la société civile prônent une réflexion collective sur ces enjeux. La décriminalisation est envisagée comme une solution permettant de réduire les méfaits liés au régime actuel de prohibition, notamment dans le contexte de la crise des surdoses d’opioïdes, qui exige une approche plus efficace.
Une crise de santé publique, pas seulement une question de justice pénale
Les surdoses liées aux opioïdes continuent d’augmenter au Québec et au Canada, causant des milliers de décès évitables chaque année. Selon l’INSPQ, le nombre de décès reliés à une intoxication suspectée aux opioïdes ou autres substances a augmenté de 33 % depuis 2023. Entre janvier et septembre 2024, la province a enregistré 485 décès, comparativement à 363 pour la même période en 2023.
Les données montrent clairement que l’augmentation des peines et la criminalisation des personnes qui consomment des substances ne réduisent ni la consommation ni les décès. Au contraire, ces approches alimentent la stigmatisation, freinent l’accès aux services de santé et augmentent les risques liés à l’approvisionnement en substances toxiques.
La réduction des méfaits : une réponse essentielle à la crise des opioïdes
Au carrefour des acteur·trice·s du milieu de la dépendance au Québec, l’AIDQ soutient des approches qui ont démontré leur efficacité :
- L’accès élargi à la naloxone pour prévenir les surdoses et sauver des vies.
- La mise en place de services de consommation supervisée pour réduire les risques liés à l’usage de substances et favoriser le contact avec des ressources de soutien.
- La décriminalisation de la possession simple de substances, comme l’a fait la Colombie-Britannique, afin de rediriger les personnes vers des soins plutôt que vers la prison.
- La Loi sur les bons samaritains secourant les victimes de surdose, qui protège les personnes appelant les secours en cas de surdose, même si elles sont en possession simple de substances. Cette mesure sauve des vies en réduisant la peur des représailles judiciaires et en encourageant l’intervention rapide. À noter que le ministre de la Justice du Québec n’a pas jugé bon d’intervenir favorablement à ce sujet lors de récentes consultations de la Cour suprême du Canada.
- Un financement stable et suffisant des services de prévention et d’accompagnement, pour éviter que des organismes essentiels comme l’AIDQ ne soient contraints de suspendre leurs activités. L’AIDQ n’est pas la seule dans cette situation. D’autres organismes, comme le GRIP, l’AQCID et l’AQPSUD, sont également en péril.
Une justice qui protège réellement la population
La justice ne devrait pas se limiter à punir, mais bien à garantir des conditions de vie sécuritaires et dignes pour l’ensemble de la population, y compris les personnes qui consomment des substances. Une approche punitive basée sur la criminalisation n’a jamais permis de résoudre les crises sanitaires. Ce qui est juste, c’est d’offrir des solutions adaptées à la réalité des personnes concernées.